Les opérateurs privés de jeux de hasard pointent du doigt une concurrence déloyale entre eux et la Loterie nationale. Jean-Christophe Choffray, deputy CEO chez Gaming1 et ancien directeur général adjoint du Casino de Spa, regrette que la « loi de 1999 (NdlR : qui régule les jeux de hasard) ait expressément exclu la Loterie de son champ d’application« . Pour lui, depuis plusieurs années, les jeux proposés par la Loterie nationale sont loin des jeux « sans danger » qui étaient proposés à l’origine. Il veut promouvoir la protection des joueurs vulnérables face aux jeux proposés par la loterie détenue par l’Etat.
En Belgique, la loi du 7 mai 1999 régule « les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs« . Depuis toujours, elle fait une distinction entre les loteries publiques, d’une part, et les jeux de hasard privés, d’autre part. Cet état de fait a été officialisé légalement par la Cour de cassation. Les deux secteurs ne sont donc pas sur un pied d’égalité en matière de régulation. Le secteur privé voudrait rééquilibrer la balance.
L’ex-directeur général adjoint du Casino de Spa considère que la Loterie nationale propose aujourd’hui des jeux de hasard similaires au casino, et que la législation doit s’adapter à cette nouvelle réalité. Il pointe du doigt les jeux Woohoo : « Les produits et des modes de consommation ont beaucoup évolué. Certains jeux ne sont plus des jeux de tirage ni de grattage, mais ressemblent à des machines à sous, comme le Cash Buster Adventures. » La Commission des jeux de hasard a d’ailleurs estimé que certains jeux comme celui-ci ne peuvent être considérés comme des jeux de loterie.
Le 15 janvier dernier, le Conseil d’État a rendu un avis sur des amendements visant à modifier la loi de 1999. Ce projet est porté par les Députés N-VA Jean-Marie Dedecker et Christophe D’Haese. Le Conseil d’État le considère admissible, donc réalisable.
De manière concrète, ce projet vise à inclure la Loterie nationale dans la portée de la loi de 1999, donc de la mettre sur un pied d’égalité avec les jeux de hasard. Les deux Députés considèrent ainsi que « les jeux de la Loterie nationale ont suffisamment d’effets de dépendance pour être qualifiés de jeux de hasard conformément à la loi sur les jeux de hasard« . De la sorte, ils devraient être soumis aux mêmes règles.
Cela pourrait impliquer que la limite d’âge pour jouer à la Loterie nationale passerait à 21 ans au lieu de 18, que les joueurs devraient respecter une limite de dépôt hebdomadaire en ligne ou encore que les publicités ne pourraient plus avoir lieu pour promouvoir les jeux de la Loterie nationale. Mais tout cela reste très hypothétique. Contacté, le porte-parole de la Loterie nationale, Jérémie Demeyer, n’a pas désiré commenter l’avis du Conseil d’État, communiquant que « la Loterie nationale ne souhaite en aucun cas préjuger du travail parlementaire« .
Le Conseil d’État limite son examen au fondement juridique des amendements, tout est donc encore à faire. Même si les loteries publiques présentent des caractéristiques spécifiques par rapport aux jeux de hasard, il doit être encore prouvé qu’elle puisse être soumise aux mêmes règles que ceux-ci. Une bataille juridique est donc très certainement en marche du côté des députés N-VA.